Irma la miraculée!

Irma, à deux jours

Irma doit la vie à une intervention de la Providence. C’est du moins ce que je crois. Pour être plus « tendance », je dirai qu’elle doit la vie à une coïncidence fortuite, mais assez singulière pour attirer l’attention. Laissez-moi vous expliquer ce qui s’est passé maintenant que j’ai piqué votre curiosité.

Une mise bas inattendue

Le 14 juillet dernier, il y maintenant près d’un an de cela, nous étions à l’affût de l’arrivée du premier cria de Dahlia. Comme il est de mise en pareille circonstance, nous portions un œil attentif sur cette primipare pour nous assurer de pouvoir intervenir au besoin. Les crias mettent peu de temps à naître une fois les contractions bien installées. L’expulsion prend généralement moins d’une trentaine de minutes.  Un éleveur s’attend à ce qu’ils voient le jour entre 7 h et 14 h. Une parturition plus tardive est souvent signe de dystocie.

Un après-midi mouvementé

En ce matin radieux, rien ne laissait présager que je vivrais un après-midi mouvementé. Dahlia se comportait normalement et ne montrait pas de signes d’inconfort. J’ai pratiquement passé toute la matinée en compagnie de nos alpagas à vaquer à des travaux de ferme. Je suis rentrée vers 13 h 30 pour terminer une traduction à l’ordinateur et casser la croûte. Au moment même où j’appuyais sur la touche Send un coup de tonnerre foudroyant a fait trembler notre maison de pierre qui n’a pas l’habitude de broncher. Le bruit m’a fait sursauter. J’ai cru que la foudre avait frappé le paratonnerre. Après avoir constaté que tout était normal dans la maison, je me suis précipitée dans la grange pour m’assurer qu’elle avait aussi été épargnée. Muée par une intuition que je ne saurais expliquer, je me suis penchée pour examiner Dahlia et j’ai remarqué que le sac amniotique commençait à poindre sous sa queue. Irma n’a mis que quelques minutes à faire son entrée dans le monde, la tête bien positionnée entre ses deux pattes de devant. Mon ravissement a rapidement fait place à de l’hébétement quand je me suis aperçue qu’elle ne respirait pas. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, son petit corps inanimé avait glissé jusqu’au sol comme une poupée de chiffon. Quand elle a aperçu sa fille qui gisait à ses pieds, Dahlia a poussé un cri effroyable.

Malgré le désarroi qui m’habitait, je me suis ressaisie et j’ai appelé mes voisins immédiats pour qu’ils viennent me prêter main-forte. Il faisait très chaud, mais la petite était frigorifiée et livide. Elle convulsait. Le vétérinaire était déjà en route. Je préviens toujours l’équipe de vétérinaires du village quand je constate l’imminence d’une naissance. Même si un d’entre eux arrive toujours très rapidement, l’expulsion se passe tellement vite qu’il faut être en mesure de se débrouiller seul. Je me suis rendu compte qu’Irma reprenait connaissance et qu’elle essayait de respirer par la bouche ce qui est chose difficile pour un alpaga. Comme l’air ne passait pas par les voies nasales, j’ai cru qu’elle souffrait d’atrésie choanale : une malformation congénitale assez fréquente au sein de cette espèce, mais très rare chez les autres mammifères. J’ai quand même saisi ma trousse de mise bas et décidé d’essayer de lui dégager les voies respiratoires avec la poire nasale qui s’y trouvait. J’ai aussi humecté ses gencives de sirop de maïs pour traiter une possible hypoglycémie. Linda et Yoland étant venus à ma rescousse, nous nous sommes tous trois empressés de continuer de tenter de la réchauffer et de la ranimer. Toute la bande d’alpagas nous regardait faire d’un air consterné. La vétérinaire est arrivée sur les entrefaites. Elle nous a encouragés à poursuivre nos manœuvres, car elles semblaient porter fruit. Elle a préféré ne pas intervenir directement pour éviter que la mère rejette son petit. Comme elle ne la connaissait pas, le risque était plus grand que cela se produise qu’avec des gens qui lui sont familiers.

Un heureux dénouement

Après une quarantaine de minutes, Irma a finalement réussi à se coucher en position ventrale, puis à se lever.

Irma, 11 mois

Selon le docteur Forget, le museau du cria a probablement été comprimé pendant les contractions ce qui aurait gêné sa respiration. Il lui paraissait enflé. Quoi qu’il en soit, sans ce coup de tonnerre isolé qui m’a tiré de la maison cette petite serait assurément morte d’asphyxie et de froid.  Aucun orage ne s’est abattu sur nous cette journée-là. Seulement ce coup de tonnerre. Un coup de tonnerre assourdissant comme on en entend très peu souvent.

 

 

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